Nous recommandons d'éviter l'emploi d'un certain nombre d'expressions,
soit parce qu'elles sont ambiguës, soit parce qu'elles sous-entendent
une opinion dont nous espérons que vous ne la partagez pas entièrement.
GRATUITEMENT
Si vous voulez dire qu'un programme est un logiciel libre, ne
dites pas, s'il vous plaît, qu'il est disponible «gratuitement».
Ce terme signifie exactement «à un prix égal à zéro». Or les logiciels
libres (free software) ne sont pas une affaire de prix, mais de liberté.
On peut souvent se procurer gratuitement des exemplaires de logiciels
libres - en les téléchargeant, par exemple, via FTP. Mais il est
également possible de les acheter sous forme de CD-ROM ; qui plus
est, des exemplaires de logiciels commerciaux sont parfois offerts
gratuitement à l'occasion d'opérations promotionnelles, et certains
de ces logiciels sont couramment mis sans frais à la disposition
de certains utilisateurs.
Pour éviter la confusion, vous pouvez dire qu'un programme est
disponible «sous forme de logiciel libre».
LOGICIELS GRATUITS
Ne faites pas, s'il vous plaît, de l'expression «logiciel gratuit»
un synonyme de «logiciel libre» (freeware). Le terme freeware
était souvent employé, dans les années quatre-vingt, pour désigner
des programmes disponibles tels quels, sans que les utilisateurs
puissent avoir accès au code source. Aujourd'hui, ce terme n'a
plus de définition particulière généralement acceptée.
Si vous vous exprimez dans d'autres langues que l'anglais, essayez
d'éviter l'emploi d'expressions anglaises tels que free software
ou freeware. Essayez plutôt de vous servir des expressions moins
ambiguës dont votre langue dispose, par exemple :
français : logiciel libre
allemand : freie Software
russe : svobodny programy
chinois : ziyou ruanjian
japonais : jiyuu [na] sofuto
esperanto : libera programaro
suédois : fri programvara
néerlandais : vrije software
En vous exprimant dans votre propre langue, montrez que vous vous
référez à la notion de liberté sans reprendre mécaniquement de
mystérieuses notions commerciales étrangères. La référence à la
liberté paraîtra peut-être, au premier abord, bizarre ou dérangeante
à vos compatriotes, mais ils s'y habitueront vite et pourront,
de ce fait, comprendre la véritable signification des logiciels
libres.
LOGICIELS OFFERTS
Il est trompeur de dire qu'un logiciel est «offert» lorsqu'on
veut dire qu'un programme est «diffusé sous forme de logiciel
libre». C'est le même problème que pour l'expression «gratuitement»
: on donne à croire qu'il est question du prix, alors que c'est
de la liberté qu'il s'agit. Il est possible d'éviter cette confusion
en disant «diffusé sous forme de logiciel libre».
PROPRIETE INTELLECTUELLE
Les éditeurs et les juristes aiment décrire le droit de reproduction
en termes de «propriété intellectuelle». Cette expression véhicule
un postulat sous-jacent: la façon la plus naturelle de concevoir
le droit de reproduction reposerait sur l'analogie avec les objects
physiques, que nous identifierions, tout aussi naturellement,
avec la propriété.
Mais cette analogie néglige qu'il existe une différence essentielle
entre les objets matériels et l'information: cette dernière peut
être reproduite et partagée presque sans effort, ce qui n'est
pas le cas des objets matériels. Fonder sa pensée sur cette analogie
revient à montrer que l'on ignore cette différence.
Même le système législatif des États-Unis n'admet pas entièrement
cette analogie, puisqu'il ne traite pas les droits de reproduction
de la même façon que les droits de propriété sur les objets physiques.
Si vous ne voulez pas vous limiter à cette façon de penser, il
vaut mieux que vous évitiez d'employer l'expression «propriété
intellectuelle».
Un autre problème que pose la «propriété intellectuelle» est qu'elle
sert à amalgamer des régimes juridiques distincts: le droit de
reproduction, les brevets, les marques déposées, toutes choses
fort différentes. Si vous n'êtes pas un expert de ces catégories
juridiques et si vous n'en maîtrisez pas les définitions, ne vous
risquez pas à les associer, ce qui vous mènerait certainement
à des généralisations incorrectes?
Pour éviter la confusion, le mieux est de ne pas chercher à remplacer
la «propriété intellectuelle» par une expression alternative.
Parlez plutôt, selon le cas, de droit de reproduction, de brevets,
ou de tout autre terme permettant de désigner avec précision ce
dont vous parlez.
PIRATAGE
Les éditeurs parlent souvent de la reproduction non autorisée
en termes de «piratage». Ils sous-entendent par là que la reproduction
illégale est équivalente, sur le plan éthique, à l'attaque des
navires en haute mer et à l'enlèvement ou à l'assassinat de leurs
passagers.
- Si vous ne croyez pas que la reproduction illégale ne fait qu'un
avec les enlèvements et le meurtre, vous préférerez certainement
ne pas vous servir du terme «piratage» pour la désigner.
Des termes neutres tels que «reproduction interdite» ou «reproduction
non autorisée» peuvent être employés. Certains d'entre nous préfèrent
employer une expression positive, telle que «partage d'informations
avec son voisin».
PROTECTION
Les juristes employés par les éditeurs aiment se servir du terme
de «protection» pour décrire le copyright. L'emploi de ce mot
donne l'impression qu'il est question d'empêcher une destruction
ou une souffrance de se produire; il encourage donc les gens à
s'identifier avec le propriétaire et l'éditeur qui tirent profit
du droit de reproduction, plutôt qu'avec les utilisateurs dont
la liberté d'action est restreinte par ce droit.
Pour éviter de parler de «protection», vous pouvez recourir à
des termes neutres. Vous pourrez remplacer, par exemple, la formule
«la protection accordée par le copyright s'étend sur une longue
période», par celle-ci : «le copyright s'étend sur une longue
période».
Si vous voulez critiquer le droit de reproduction au lieu de le
soutenir, vous pouvez employer l'expression «restriction du droit
de reproduction».
VENTE DE LOGICIELS
Le terme «vente de logiciels» est ambigu. Au sens strict, l'échange
d'un exemplaire d'un programme libre moyennant une somme d'argent
constitue une «vente» ; mais les gens associent habituellement
le terme de «vente» aux restrictions auxquelles le propriétaire
soumet l'utilisation qui sera faite du logiciel. Vous pouvez être
plus précis et prévenir toute confusion en employant, pour distinguer
les deux sens de l'expression «vente de logiciels», l'une des
deux expressions suivantes: «distribution d'exemplaires d'un programme
moyennant facturation» ; «imposition de restrictions d'utilisation
d'un programme».
Voir Selling free software (Vente de logiciels libres) pour plus
d'informations sur ce point.
VOL
Les apologistes du droit de reproduction emploient souvent les
expressions «détournement de propriété» et «vol» pour décrire
le non-respect du copyright. Ils nous demandent, par là-même,
de considérer le système législatif comme une autorité en matière
d'éthique: si la reproduction est interdite, c'est qu'elle est
moralement répréhensible.
Il n'est donc pas inutile de rappeler que le système législatif
- tout au moins en ce qui concerne les États-Unis - rejette l'identification
du non-respect du copyright avec le «vol». Les avocats du droit
de reproduction qui emploient des termes tels que le «vol» donnent
une idée fausse de l'autorité dont ils se réclament.
D'une manière générale, l'idée selon laquelle les lois décident
de ce qui est moralement bon ou mauvais est erronée. Les lois
sont, au mieux, une tentative d'accomplir la justice; dire que
les lois définissent la justice ou le comportement éthique, c'est
mettre les choses à l'envers.