1. Qu'est-ce que la philosophie de la musique libre
?
C'est un système de diffusion de la musique
anarchique, mais high tech, reposant sur l'idée que la
création, la reproduction et la distribution musicales doivent
être des activités aussi libres que le fait de respirer,
de cueillir un brin d'herbe ou de se prélasser au soleil.
2. Que signifie le terme «musique libre»
?
La notion de «musique libre» est semblable
à celle de «logiciel libre (1)»
et, comme dans le cas du libre accès aux logiciels, le terme
«libre» se réfère à la liberté
et non au prix. «Musique libre» signifie en particulier
que tout individu a le droit de reproduire, de diffuser et de modifier
la musique à des fins personnelles et non commerciales. «Musique
libre» ne signifie pas que les musiciens ne peuvent pas faire
payer les disques, les bandes, les disques compacts ou les DAT (digital
audio tapes) qu'ils produisent.
La définition donnée ci-dessus du terme
«libre» n'implique pas que tout objet tangible puisse être
libéré, mais qu'une chose qui peut être reproduite
arbitrairement de nombreuses fois, comme la musique, doit être
libérée. J'entends par «musique» l'expression
d'idées (sous la forme d'une composition musicale ou d'un enregistrement
sonore) sur un support donné, et non le support en lui-même.
Vous êtes donc libre de reproduire un disque compact que j'ai
créé, libre de télécharger à partir
de mon serveur Internet des fichiers contenant les chansons que j'ai
créées, libre de jouer votre version d'une chanson que
j'ai créée ou de l'améliorer, mais vous n'êtes
pas nécessairement autorisé à obtenir gratuitement
des disques compacts.
3. Pourquoi devons-nous libérer
la musique ?
La musique est un processus créatif. Aujourd'hui,
lorsqu'un musicien publie de la musique, c'est-à-dire la présente
au monde extérieur, seul un groupe privilégié d'individus
est à même d'utiliser cette musique à sa guise.
Cependant, l'artiste s'est inspiré de la créativité
de nombreux autres musiciens, et il se doit de donner sa créativité
en retour, sans poser de conditions, en sorte que la créativité
soit augmentée parmi les gens, d'une façon générale.
Le juge Kozinski a écrit, en désaccord avec le jugement
du procès Vanna White contre Samsung Electronics America :
«Tous les créateurs s'inspirent en partie
des oeuvres de ceux qui les ont précédés, en s'y
référant, en construisant à partir d'elles, en
s'amusant avec elles; cela s'appelle créativité, ce n'est
pas du piratage.»
4. La libre reproduction de la musique
n'enfreint-elle pas la législation ?
La «loi sur l'enregistrement audio à domicile»
(Audio home recording act - AHRA) (2)dit,
dans son paragraphe 17, chapitre 10, à propos de l'interdiction
de certains actes enfreignant le copyright :
«Aucun acte ne peut prétendre enfreindre
le copyright fondé sur la fabrication, l'importation ou la diffusion
d'un procédé d'enregistrement audio numérique,
d'un support d'enregistrement audio numérique, d'un procédé
d'enregistrement analogique ou d'un support d'enregistrement analogique,
ainsi que le copyright fondé sur l'utilisation non commerciale
par un consommateur des procédés ou des supports précités,
dans le but d'effectuer des enregistrements musicaux numériques
ou analogiques.»
Une lecture littérale de la loi indique qu'un
individu a le droit d'effectuer des reproductions d'enregistrements
musicaux pour son usage personnel et à des fins non commerciales,
et qu'il ne peut être poursuivi pour violation du copyright (du
moins en ce qui concerne l'utilisation des procédés énumérés
dans l'article cité). Le message que nous délivre cette
loi est : «Auditeurs de musique, vous pouvez reproduire à
votre aise!»
5. Pourquoi la loi de 1992 (Audio home recording
act) est-elle inadaptée ?
Elle est inadaptée parce que le fondement éthique
de la loi sur le droit de reproduction a été, en ce qui
concerne la musique, entièrement perverti : la libre reproduction
et les autres usages de la musique sont éthiquement corrects
même s'ils ne sont pas légaux. La raison principale de
l'existence de cette loi est d'imposer une taxe sur les bandes audio
numériques (DAT). Les revenus de cette taxe sont versés
à l'industrie musicale afin de compenser la perte supposée
de revenus qu'engendrerait la reproduction à domicile non autorisée.
Or ces fonds, dans leur majorité, ne vont pas aux créateurs
de la musique, mais aux compagnies de disques (3)!
Il est donc logique d'adhérer à la philosophie de la musique
libre et d'inciter au remboursement direct des artistes plutôt
qu'au maintien d'un système bureaucratique et déséquilibré.
6. En quoi la libération de la
musique est-elle une action éthiquement correcte ?
1° Le confinement de la créativité
artistique à des publics spécifiques, en particulier
lorsqu'il est dû à des raisons financières, est
un manquement à la responsabilité éthique de
l'artiste et une nuisance pour la société dans son ensemble.
Aujourd'hui, lorsque les gens créent, ils créent en
montant sur les épaules des géants.
2° Il n'est équitable que les gens paient
la musique que s'ils ont d'abord eu l'occasion de l'apprécier
en l'écoutant ; le système actuel ne permet pas cela
pour toutes les formes de musique.
3° Pour empêcher la réalisation
de reproductions «illégales», il faut faire peser
une terrible contrainte (la restriction d'un mode d'expression légitime)
sur tous les individus pour interdire une activité inhérente
à la nature humaine. Cette tâche est irréalisable,
et c'est probablement la raison principale de l'adoption de l'AHRA.
4° La clause concernant les oeuvres dérivées
vous interdit d'intégrer vos propres idées à
l'oeuvre d'autrui pour enrichir cette dernière, ce qui réduit
le libre échange des idées et de l'information.
5° Les pratiques courantes de l'industrie du
disque, qui exploite à la fois l'artiste et le consommateur
en vue du seul profit, sont contraires à l'éthique,
et il faut agir pour que des changements aient lieu.
7. Qu'en est-il du droit individuel de propriété
intellectuelle ?
La propriété intellectuelle et d'autres
«droits» analogues avaient essentiellement pour objet, à
l'origine, de bénéficier à la société
plutôt qu'aux individus. La Constitution américaine, par
exemple, affirme que l'objectif du droit de reproduction est de «promouvoir
le progrès de la science et des arts utiles». La philosophie
de la musique libre profite aussi bien à la société
qu'aux individus; elle préserve entièrement la liberté
de création de ces derniers. Cette liberté est plus importante
que tous les autres «droits» que la société
pourrait offrir. Comme l'indique Stallman dans le «Manifeste GNU»,
«"contrôler l'utilisation que l'on fait de ses idées"
revient à contrôler la vie des autres ; et c'est souvent
utilisé pour leur rendre la vie plus difficile».
8. Les musiciens ne vont-ils pas mourir de faim s'ils
libèrent leur musique ?
Les musiciens ont habituellement plusieurs sources
différentes de revenus: ventes de disques, produits dérivés,
concerts, programmation radio, télévision, etc. La libération
de la musique ne va certainement pas causer de tort à la vente
de produits dérivés et de billets de concert, et elle
n'aura pas non plus d'effet sur la rémunération de l'exécution
publique des morceaux. Elle ne pourra qu'améliorer les ventes,
car les gens vont continuer à soutenir les artistes qu'ils aiment
en allant à leurs concerts et en achetant leurs produits. Les
bénéfices provenant des ventes de disques ne seront pas
non plus affectés, puisque les gens seront encouragés
à les acheter directement auprès de l'artiste pour avoir
des morceaux en prime ou des textes d'accompagnement, les paroles des
chansons et les pochettes des disques. La musique libre peut donc être
utilisée comme un outil commercial pour faire en sorte que les
musiciens ne meurent pas de faim. Une autre manière de gagner
directement de l'argent est d'encourager les gens à envoyer aux
artistes des «dons», s'ils estiment que la musique qu'ils
ont copiée a de la valeur. Cette pratique pourrait prendre racine
dans la société, comme c'est déjà le cas
pour le pourboire, que les gens donnent pour rémunérer
différents services, même lorsqu'il n'y a pas d'obligation
pour eux à le faire (4).
9. Qu'en est-il de la reproduction de
la musique jouée en concert ?
La reproduction de la musique jouée en concert
devrait être autorisée, du moins lorsqu'elle est destinée
à un usage personnel non commercial. Il est probable que la plupart
de ces enregistrements seront de mauvaise qualité, mais quelques-uns
seront bons. Ces derniers pourront être réunis, compilés
et diffusés par les artistes eux-mêmes, à peu près
comme l'ont fait le groupe de rock Butthole Surfers, qui se sont «piratés»
eux-mêmes. La compétition qui en résulte améliore
la qualité des enregistrements, et c'est un bon moyen d'obtenir
des matériaux à bas prix pour un futur disque en public.
10. Les compagnies de disques ne vont-elles
pas exploiter les musiciens qui font de la musique libre ?
Non, car l'artiste percevra encore assez de droits
pour se garantir contre son exploitation financière par les intérêts
commerciaux. La musique libre ne peut être utilisée qu'à
des fins non commerciales. Mais, pour être totalement libre, la
musique doit l'être également lorsqu'elle est utilisée
à des fins commerciales. Cela ne veut pas dire que l'artiste
ne doit pas être rémunéré pour les utilisations
commerciales de la musique; cela veut dire qu'il ne contrôle pas
la nature de l'utilisation commerciale qui pourra être faite de
sa musique. Heureusement, dans le domaine musical, une liberté
de ce genre existe déjà (sous la forme des autorisations
systématiquement accordées et du modèle de la diffusion
publique). Même si cette liberté peut encore être
accrue, je n'ai pas d'opinion définitivement arrêtée
sur la question.
11. Les musiciens talentueux et professionnels ne vont-ils
pas abandonner la musique parce qu'ils risquent de ne pas devenir multimillionnaires
?
En dehors des quelques centaines de musiciens qui occupent
les premières places des palmarès, les chances qu'a un
artiste de vivre de la vente de ses disques sont très faibles.
On ne pourrait imaginer pire système pour les musiciens. Nous
avons là une preuve du fait que la motivation principale de la
plupart des musiciens qui jouent et enregistrent est la créativité
- tout personne intéressée par l'argent ira exercer de
préférence ses talents dans d'autres domaines d'activité.
La source de la créativité musicale ne s'épuisera
donc jamais. Nous ne pouvons réellement nous attendre qu'à
une augmentation de la créativité en musique et au développement
de formes musicales moins limitées.
12. Les musiciens ne méritent-ils pas que leur
créativité soit rémunérée ?
La plus haute récompense des musiciens, c'est
leur propre musique, et rien d'autre. Selon une étude psychologique
publiée dans le Boston Globe (19 janvier 1987) par Alfie
Kohn, la créativité diminue lorsqu'elle est motivée
par le gain (5). L'auteur écrit
:
«Si une récompense - de l'argent, des prix, la reconnaissance,
ou la première place dans une compétition - devient
la raison qu'a un individu de s'engager dans une activité,
cette activité sera considérée comme moins plaisante
en elle-même. À l'exception de certains behavioristes
qui mettent en doute l'existence d'une motivation intrinsèque,
ces conclusions sont désormais largement acceptées par
les psychologues.»
Il s'ensuit que la meilleure musique que j'aie entendue
à ce jour a été faite par des artistes qui se battent
pour s'en sortir en faisant deux métiers, qui jouent leur musique
avec passion et désirent la partager avec le public, au lieu
de le faire parce qu'ils ont un contrat à respecter.
13. Les musiciens ne peuvent-ils pas
demander une rétribution pour leur travail créatif ?
Bien sûr qu'ils le peuvent. En tant que musicien,
je suis heureux que des gens apprécient ma créativité
et le montrent d'une façon ou d'une autre. Mais je ne crois pas
que les musiciens doivent exiger des rétributions susceptibles
de restreindre leur potentiel créatif. Comme l'écrit Stallman
dans le «Manifeste GNU», «le désir d'être
récompensé pour sa créativité ne justifie
pas que l'on prive le monde en général de tout ou partie
de cette créativité».
Mais la question 13 est mal formulée. Elle devrait
l'être ainsi: «Les amoureux de la musique doivent-ils accepter
de payer les maisons de disques, qui contrôlent l'activité
des gens pour gagner encore plus d'argent, en lieu et place des musiciens,
puisque les maisons de disques ne versent à ces derniers qu'une
petite fraction de l'argent qu'ils perçoivent?»
Ma réponse est : je crois que non.
14. Pourquoi suis-je en train de faire ce que je fais
?
Ma motivation personnelle est de voir se répandre
des formes musicales plus audacieuses et non commerciales, de façon
à enrichir la créativité. Pourquoi les filiales
des grandes firmes et les radios commerciales devraient-elles décider
ce que nous devons entendre et gagner des millions de dollars en exploitant
les artistes? Pourquoi ne pas laisser les gens qui aiment la musique
décider par eux-mêmes?
15. Que devez-vous faire, si vous êtes musicien
?
Si vous êtes un artiste à l'esprit indépendant
qui ne veut pas que le contrôle des grandes firmes entrave sa
créativité, et si vous voulez que la société
soit plus libre, la philosophie de la musique libre vous montre une
façon de diffuser largement votre musique. Si votre musique est
différente et si vous ne pensez pas qu'elle ait de grandes chances
de passer sur les radios commerciales, vous pouvez essayer la philosophie
de la musique libre. Si vous en avez assez que les intérêts
commerciaux contrôlent ce qu'écoutent les gens et si vous
voulez que les gens décident par eux-mêmes, c'est une voie
que vous pouvez emprunter. Enfin, la philosophie de la musique libre
vous permet d'être dans une grande firme ou dans une maison de
disques indépendante sans que votre intégrité soit
compromise, puisque vous donnez à votre public ce qu'il veut.
16. Que devez-vous faire, si vous êtes
amateur de musique ?
Si la liberté de reproduire et d'utiliser la
musique signifie quelque chose pour vous et si vous souhaitez que ces
idées se répandent, alors, quand vous effectuez une copie
d'un album, que les artistes en question adhèrent ou non à
la philosophie de la musique libre, faites-leur un don de façon
à ce qu'ils puissent continuer à faire leur musique. Votre
contribution doit dépendre de la valeur qu'a cette musique à
vos yeux. Vous pouvez aussi aller aux concerts de ces artistes ou leur
acheter directement des disques et des produits dérivés.
Enfin, si vous en avez les moyens, vous pouvez soutenir les groupes
qui adhèrent à la philosophie de la musique libre en mettant
leurs enregistrements sur Internet. D'une façon ou d'une autre,
soutenez la musique que vous aimez ! (Ce point est indépendant
de la notion de «musique libre».)
17. Pourquoi la philosophie de la musique libre est-elle
efficace ?
Dans notre ère numérique, la qualité
des enregistrements effectués à domicile a considérablement
augmenté, si bien qu'il est devenu facile de réaliser
des répliques «parfaites» d'enregistrements audio.
Les enregistrements peuvent donc être diffusés sans qu'une
structure professionnelle de distribution soit nécessaire. Si
la musique est bonne, elle se répandra beaucoup plus rapidement,
à un rythme presque exponentiel, capable de rivaliser avec la
puissance de diffusion d'une grande firme. En outre, Internet permet
d'obtenir une diffusion encore plus grande. Avec le système des
dons mentionné plus haut, les artistes pourraient, en théorie,
gagner plus d'argent qu'en étant dans une grande firme, tout
en restant le plus créatif possible. Tous les intermédiaires
seront éliminés et les disques compacts pourront être
édités à des prix quatre fois plus bas qu'aujourd'hui,
et le revenu qu'obtiendront les artistes pour chaque disque vendu sera
toujours supérieur à celui qu'ils obtiennent d'une grande
firme !
L'idée du libre accès dans le domaine
des logiciels, qui met en oeuvre des principes similaires, s'est révélée
efficace (6). Les meilleurs logiciels
se trouvent être ceux que l'on peut reproduire sans restriction
(comme Linux, tous les logiciels GNU, ainsi que divers logiciels liés
à la musique, tels que les convertisseurs de format sonore, les
séquenceurs et les enregistreurs multipistes). En outre, il existe
un secteur commercial florissant centré sur la diffusion des
logiciels libres. Je ne vois donc pas de raison pour que la musique
libre ne produise pas, elle aussi, d'excellents résultats.
18. Que faut-il faire pour libérer la musique
?
1° Installez un serveur sur Internet avec votre
musique, ou déposez vos fichiers sonores dans une «archive
de la musique libre» (free music archive - FMA), où les
gens peuvent accéder à votre musique sur le Net. Je
compile actuellement une liste de sites où vous pourrez déposer
vos fichiers musicaux (http://www.ram.org/ramblings/philosophy/fmp/fma.html).
2° Ajoutez la notice suivante à tous les
enregistrements, bandes, disques compacts et DAT que vous vendez ou
donnez :
«L'autorisation de reproduire, modifier
et diffuser les compositions musicales et les enregistrements sonores
figurant sur ce disque, à condition que la présente
notice soit incluse dans tous les exemplaires réalisés,
est accordée pour toute utilisation non commerciale. Si vous
vous êtes procuré cet exemplaire par voie de reproduction,
si vous trouvez que cette musique a de la valeur et si vous souhaitez
la soutenir, envoyez un don, d'un montant correspondant à la
valeur que vous attribuez à cette musique, à l'adresse
figurant sur la présente notice.»
Si vous adhérez aux conceptions de la philosophie
de la musique libre et si vous avez un site sur Internet, un lien avec
le site http://www.ram.org
serait utile. En un sens, vous adhérerez ainsi au copyleft pour
votre musique (9).
La demande de dons est facultative. La restriction
aux utilisations non commerciales est également facultative.
(Voir infra.)
19. «C'est facile pour vous de
dire tout cela, mais êtes-vous un musicien ? Vous rendez-vous
compte de la difficulté qu'il y a à travailler durant
la journée tout en faisant de la musique ?»
Oui, je me considère comme un musicien (bien
que certains puissent douter du caractère «musical»
de ma production). J'agis en conformité avec la philosophie que
je viens d'exposer. Le nom de mon groupe est Twisted Helices, et ma
musique peut être reproduite sur Internet sans restriction (10).
J'autorise même la reproduction et l'utilisation commerciales
sans demander de rémunération, ce qui me donne plus de
liberté pour créer ma musique (mais, même si je
demandais une rémunération, la liberté dont je
parle dans ce manifeste existerait toujours). Je fais de la musique
en sacrifiant beaucoup de choses, à commencer par le sommeil.
On éprouve incontestablement un plus grand sentiment d'épanouissement
lorsqu'on fait quelque chose par amour plutôt que par obligation.
Ne croyez pas que je vous fasse la leçon tout en me livrant,
dans la journée, à un travail exaltant. C'est tout le
contraire. Je suis tout à fait cohérent sur ce point (je
ne reproduirais pas la musique des autres si je n'acceptais pas qu'ils
reproduisent la mienne). Écrivez-moi personnellement si vous
voulez que je vous donne plus d'explications.
20. Que va devenir l'industrie de la musique à
l'ère numérique ?
Cette démarche vous donnera, à vous qui
êtes des artistes, plus de puissance dans vos enregistrements.
Vous pourrez être aussi créatifs que vous le voulez et
diffuser votre musique de façon à ce que personne ne puisse
vous arrêter (comme ce fut le cas pour le disque In utero de Nirvana)
en vous disant de changer les arrangements du disque parce qu'il ne
se vendra pas tel qu'il est. Nous verrons peut-être surgir une
musique individuelle au lieu d'une musique pour les masses. Étant
donné le mode de diffusion de votre musique sur Internet, vous
enrichirez la quantité d'informations disponibles sur le réseau
tout en atteignant des publics dont vous n'aviez jamais rêvé!
À plus long terme, la mainmise des grandes firmes
sur la musique que les gens écoutent sera brisée. La musique
est devenue une industrie institutionnalisée qui débite
des produits musicaux. L'industrie musicale restreint le droit de reproduction
et les autres usages de la musique de façon à augmenter
le profit, mais le prix à payer est la limitation de la créativité.
Cette situation va changer. Il est désormais possible pour les
musiciens de diffuser leur message musical directement auprès
de leur public grâce à la technologie de pointe, enrichissant
à la fois l'artiste et le monde de la musique de toutes les façons
possibles. La musique est un processus créatif et un monde d'idées
et de passions ; ce n'est pas un produit.
«Le fait que les idées se répandent
librement d'une personne à l'autre à travers le globe,
pour l'instruction morale réciproque des hommes et pour l'amélioration
de la condition humaine, semble avoir été établi
par la nature de façon précise et bienveillante lorsqu'elle
a créé l'homme, tout comme le feu se répand à
travers tout l'espace sans perdre de sa densité en aucun point,
et tout comme l'air dans lequel nous respirons, dans lequel nous nous
mouvons et existons physiquement, est incapable d'être circonscrit
ou d'être possédé exclusivement. Les inventions
ne peuvent donc, par nature, faire l'objet d'aucune appropriation.»
Thomas Jefferson