J'AI VU L'AVENIR, ET CE SERA ... une bataille entre la Cathédrale
et le Bazar. Avant d'expliquer ce que je veux dire, je vais être
le premier à admettre que tout ce qui va suivre est plutôt prétentieux.
Essayer de prédire l'avenir d'un système dynamique complexe est,
par définition, impossible. Toutefois, je crois que nous pouvons
influer sur l'orientation de l'évolution du système, et j'espère
que ce que j'écris deviendra une prophétie autoréalisatrice.
La bataille entre la Cathédrale et le Bazar
Il y a deux ans, Eric S. Raymond a écrit un article intitulé «La
Cathédrale et le Bazar (1)». Il n'y parlait pas de musique, mais de logiciels; il y expliquait
que le modèle du Bazar (c'est-à-dire des milliers de développeurs
disséminés sur Internet et écrivant des logiciels pour des raisons
personnelles, telles que le goût de résoudre des problèmes et/ou
le côté sympa) est supérieur au modèle de la Cathédrale (où un
petit groupe de développeurs contrôle le développement d'un logiciel).
Raymond rattache le développement de Linux - le seul système d'exploitation
d'ordinateurs qui apparaisse comme une menace crédible envers
le monopole de Microsoft - au modèle du Bazar, et les travaux
de la Fondation pour les logiciels libres [Free software foundation (2)] (ainsi que d'autres développements commerciaux, comme ceux de
Microsoft) au modèle de la construction des Cathédrales (3). Je pense que cette analogie est erronée, car la Fondation pour
les logiciels libres n'appartient pas moins au Bazar que l'«équipe
des développeurs de Linux. Le point essentiel de l'argumentation
de Raymond n'est pas de savoir si le modèle de la Cathédrale est
meilleur ou non que celui du Bazar, mais de constater que le modèle
du Bazar s'accorde avec la théorie des systèmes adaptatifs complexes,
et de voir que cette approche, considérée de façon générale, constitue
un modèle permettant de réaliser d'extraordinaires progrès à long
terme en matière d'innovation et de créativité.
Il existe une analogie similaire en ce qui concerne la musique,
au point de vue théorique, mais dans la pratique les choses sont
différentes, parce que la musique n'a pas pour «but d'être utile.
J'ai choisi d'employer la terminologie de Raymond, mais j'en ai
légèrement modifié les définitions en tenant compte de cette différence
entre nos deux efforts. Les trackers, les home recorders et les
MP3ers sont du côté du Bazar. Les principaux distributeurs et
les mécanismes de distribution sont du côté de la Cathédrale,
aspirant le talent créatif des musiciens pour en tirer des bénéfices
financiers tout en restant distants et hors de portée de la base
que constituent les créateurs et les consommateurs. Aujourd'hui,
comme c'est le cas pour les logiciels, des milliers de musiciens
créent et diffusent de la musique sur Internet en étant motivés
avant tout par des raisons personelles, telles que l'amour de
la musique ou le narcissisme créatif, plutôt que par la recherche
du profit. Il en résulte qu'une grande partie de cette musique
est librement copiée et diffusée, si bien qu'elle constitue un
élément-clé du modèle du Bazar. Dans le Bazar, la créativité intervient
dans un milieu où l'on va de bas en haut (il n'existe aucune restriction;
il n'est même pas nécessaire que «ça marche), en opposition au
milieu de la Cathédrale, où l'on va de haut en bas (les grandes
firmes imposent des «règles - comme «il faut que ça se vende -
à toute production créative).
Chaos et complexité
Pourquoi ce modèle de création et de distribution où l'on va de
bas en haut fonctionne-t-il? Il fonctionne parce que les acteurs
individuels, dans ce système (artistes, auditeurs, distributeurs)
ne sont pas prisonniers de règles imposées d'en haut; autrement
dit, ils sont libres. Leur liberté prend des formes variées, qui
ne sont pas nécessairement explicites, comme par exemple la liberté
d'obtenir des bénéfices commerciaux, la liberté de modifier, la
liberté de monter sur les épaules des géants, la liberté de s'améliorer.
Cet ensemble disparate de libertés permet à une oeuvre donnée
d'évoluer en suivant une trajectoire exponentielle non déterministe,
c'est-à-dire de façon chaotique. Il en résulte un immense apport
de créativité : non seulement une oeuvre est fondée sur une oeuvre
fondée sur une oeuvre fondée sur une oeuvre..., mais ce développement
se fait également en parallèle, et le résultat est différent à
chaque fois (il dévie d'une autre trajectoire ou d'un autre chemin
de façon exponentielle).
En d'autres termes, si quelqu'un diffuse un morceau auprès d'un
grand nombre de personnes, il est vraisemblable que plus d'une
personne s'en servira comme point de départ pour une nouvelle
oeuvre, dérivée de la première. Chacune des personnes qui créent
ces oeuvres fera des choses très différentes (étant donné la nature
subjective de la musique) et diffusera ces oeuvres modifiées.
Or, plus le nombre de gens ayant accès à cette oeuvre qu'ils utiliseront
comme point de départ est élevé, plus le cycle se prolongera.
L'évolution de l'oeuvre dans le temps suivra un parcours ou une
trajectoire «non linéaire, et les différences (quelle que soit
la façon dont on les mesure) entre deux parcours quelconques augmenteront
exponentiellement au fil du temps. La non-linéarité du système
résulte de sa nature non déterministe : chaque fois que le processus
de création de l'oeuvre sera répété, ce qui se produira va être
extrêmement différent de ce qui s'est produit précédemment (d'où
l'augmentation globale de la créativité). C'est presque comme
si l'oeuvre était dotée d'une vie propre (on dit alors qu'elle
«naît). Ce modèle de développement a d'énormes conséquences en
ce qui concerne la créativité, la propriété intellectuelle, la
censure en matière musicale et, au bout du compte, en ce qui concerne
l'avenir de la Cathédrale.
Le Bazar contre la Cathédrale
mp3.com et free-music.com (4)sont
deux exemples de sites diffusant de la musique libre (Archives de la
musique libre [Free music archives, FMA (5)]).
En termes de nombre de copies diffusées - pondéré
en tenant compte de l'obscurité relative de la plupart des artistes
-, ces sites obtiennent des résultats phénoménaux
si on les compare à la diffusion par le biais des canaux ordinaires.
Je suis un artiste qui diffuse sa musique à travers ces deux
FMA ainsi que sur mon propre site (twisted-helices.com),
sans aucune contrainte liée à la propriété
intellectuelle. Je reçois des e-mails de gens qui me sont totalement
inconnus et qui ont incorporé dans leur propre travail des musiques
ou des sons que j'ai créés. Je me sers, moi aussi, d'idées,
de notes, d'accords et de sons qui proviennent de gens dont je sais
qu'ils se servent de ce qui sort de mon esprit, et ainsi de suite. J'en
suis arrivé au point d'arrêter de noter qui fait quoi;
je me contente de créer. J'ai pleinement conscience de créer
en montant sur les épaules de géants qui sont eux-mêmes
montés sur les épaules de géants - un peu comme
dans l'image mythologique des tortues en nombre infini, empilées
les unes sur les autres, qui soutiennent la Terre. En bref, la musique
libre produit un réseau complexe de créativité
sans limites, développé à partir de nos créations
et qui s'étend de façon exponentielle.
Comparez ce qui se passe dans la Cathédrale des grandes firmes
avec ce qui se passe dans le Bazar des FMA. La Cathédrale édicte,
pour l'essentiel, quelle musique doit être diffusée sur le marché.
Les canaux de publicité de grande consommation, tels que MTV et
les radios commerciales, font partie de la Cathédrale. Chaque
oeuvre de création qui voit le jour sous la marque d'une grande
firme est passée à travers un processus bureaucratique d'approbation
au sein de la Cathédrale, où l'on a estimé qu'elle remplit certaines
conditions en termes de propriété, de rentabilité et de contrôle.
On peut même se demander si cela a un sens de parler du contenu
artistique de ces oeuvres.
J'affirme que la Cathédrale se meurt, et les raisons pour lesquelles
elle va mourir sont les suivantes :
1. Les systèmes qui vont de haut en bas ne peuvent s'adapter aussi
vite que les systèmes qui vont de bas en haut. Dans le monde numérique,
les technologies de composition et de compression changent rapidement.
Si une nouvelle norme technique apparaît demain, mp3.com sera
devenu mp4.com avant même qu'une entreprise comme Warner Bros
ait compris ce qui se passe.
2. En musique, les marchés segmentés vont devenir la norme et
non l'exception. La structure monolithique d'une grande firme
n'est pas assez flexible pour se permettre d'exploiter les petits
segments de marché, alors que les FMA peuvent répondre à tous
les goûts individuels. Ce n'est pas seulement dû à Internet, mais
au fait que l'on peut se procurer de la musique tout à fait tranquillement
sur une FMA.
3. La créativité augmente de façon exponentielle et non déterministe
dans le Bazar. (Ce point sera développé plus loin.)
4. Le contrôle de la propriété intellectuelle est en opposition
directe avec les paragraphes 1 à 3. Cela a été fermement établi
par John Perry Barlow dans «Vendre du vin sans les bouteilles
(6)» et par Eric Raymond dans «La Cathédrale et le Bazar». Les points
essentiels de cette argumentation sont :
a) le souci de la propriété intellectuelle ralentit le temps de
réaction, car on se demande comment on va pouvoir contrôler une
nouvelle norme technologique, comme le fait couramment le RIAA
(7);
b) les marges bénéficiaires potentielles dans les marchés segmentés
sont inférieures à la dépense occasionnée par le souci de la propriété
intellectuelle, étant donné la rémunération courante des avocats
;
c) le Bazar, qui augmente la créativité de façon radicale, n'engendre
ce résultat que si l'on court le risque de ne pas maximiser le
profit.
La Cathédrale perdra la guerre contre le Bazar pour toutes les
raisons exposées dans les paragraphes 1 à 4, et la sélection darwinienne
fera subir aux grandes firmes le même sort qu'aux dinosaures.
J'insiste à nouveau sur le fait que le modèle de travail qui va
du bas vers le haut ne fonctionne que pour autant que le Bazar
reste un bazar, c'est-à-dire pour autant que la liberté dont j'ai
parlé plus haut existe (en pratique, du moins). Mais il est également
possible que les Cathédrales d'aujourd'hui finissent par se conformer
au modèle du Bazar et trouvent d'autres sources de revenu que
le contrôle du flux créatif.
Ce que signifie "musique libre"
On pourrait rétorquer que des sites tels que mp3.com ou free-music.com
sont attractifs parce qu'on y obtient des choses sans avoir à
les payer. Mais ce qu'on obtient aussi quand on télécharge un
morceau est la liberté totale d'en faire ce qu'on veut (du moins
pour son usage personnel, ou tant que personne ne s'en aperçoit),
même si ce n'est pas nécessairement ce qui était initialement
prévu. En général, les gens qui adoptent un paradigme tel que
la philosophie de la musique libre comprennent la distinction
entre «obtenir de la musique gratuitement et «pouvoir copier de
la musique librement, c'est-à-dire sans les contraintes liées
à la propriété intellectuelle.
Mais quel est le fond du problème? Pourquoi la RIAA et les grands
distributeurs ont-ils peur de l'expansion prolifique du son numérique?
Il menace, certes, leur oligopole, mais pas seulement parce qu'Internet
a, en quelque sorte, rendu la musique plus accessible aux masses;
plutôt parce que la diffusion de la musique sur Internet suit
une trajectoire exponentielle, non linéaire, incontrôlée. Le fin
mot est que le nombre de gens qui sont complètement indifférents
aux questions de propriété intellectuelle lorsqu'il s'agit de
télécharger, voire de diffuser de la musique en ligne, ne cesse
d'augmenter. Et ces gens ne peuvent pas se permettre d'agir autrement.
Cela effraie tous ceux qui ne peuvent pas contrôler l'usage qui
est fait de leur production créative, et ils sont d'autant plus
terrifiés que le contrôle de ladite production est étroitement
lié à leur revenu économique. L'absence de contrôle de la part
de l'industrie du disque signifie davantage de liberté pour les
musiciens et les auditeurs. La thèse principale que je soutiens
ici est que cette liberté est la clé permettant de faire marcher
le modèle du Bazar.
Les libertés dont j'ai parlé plus haut ont le plus grand impact
sur les gens qui créent, ou souhaitent créer, de la musique. Il
y a quelques années, quand j'ai commencé à faire des enregistrements,
les musiciens regardaient les magnétophones analogiques à quatre
ou huit pistes en disant : «Hé, nous pouvons désormais produire
des disques au son excellent sans dépenser une fortune. Aujourd'hui,
avec les enregistrements numériques, les musiciens peuvent produire
des enregistrements qui sonnent aussi bien, voire mieux, que ceux
des studios d'une grande firme. Et le monde digital est devenu
le grand égalisateur : les musiciens peuvent également diffuser
leur musique largement, et probablement mieux que ne le ferait
une grande firme (si l'on excepte les grandes vedettes).
C'est cette facilité de diffusion qui rend la musique libre, et
non le coût du téléchargement (télécharger un MP3 coûte de toute
façon quelque chose, quelque part, à quelqu'un). La musique est
libre parce qu'on peut laisser ses amis l'écouter, la copier,
la faire entendre à leurs amis, et ainsi de suite. Dans une acception
plus radicale, la musique est totalement libre lorsqu'un autre
musicien peut utiliser une création préexistante comme point de
départ pour sa propre création. C'est alors que la musique libre
devient très intéressante. Et sans cette liberté, la créativité
humaine ne peut vraisemblablement pas développer toutes ses capacités.
L'avenir : un monde de musiciens
Du point de vue de la création, l'évolution que je vois se dessiner
est que la musique va devenir semblable au langage. Personne ne
possède la langue anglaise; de même, personne ne possèdera ce
que la musique va devenir. La raison pour laquelle personne ne
peut posséder la langue anglaise est qu'un très grand nombre de
gens ont contribué à sa formation, à son développement et à son
adaptation - si bien que tout le monde la possède, ou alors personne.
C'est un système dynamique continu et complexe, évoluant de façon
non linéaire, à partir des changements antérieurs créés par les
boucles de rétroaction. Il en ira de même, dans l'avenir, pour
la musique: un morceau que vous écrirez pourra inclure tant de
contributions et de méta-contributions qu'il deviendrait absurde
de prétendre en détenir les droits exclusifs. Tout comme une langue,
la musique sera un collage d'idées, de notes, d'accords et de
sons en provenance d'innombrables esprits créatifs. L'expression
«collage musical a déjà été utilisée pour décrire ce genre de
phénomène, inauguré, en partie, par des artistes tels que Negativland
(8)et John Oswald (9)et adopté par des gens tels que les musiciens de techno. La musique
sera la communication qui commence là ou le langage conventionnel
s'arrête.
On constate actuellement, sur la scène musicale, une grande prolifération
de magnétophones multipistes numériques. Imaginez un scénario
dans lequel vous pourriez diffuser non seulement vos morceaux
grâce au format MP3, mais également chacune des pistes qui les
composent, en sorte que les utilisateurs de logiciels et de matériels
MP3 puissent disposer des données piste par piste (10). Vous voyez d'ici les possibilités : vous n'aimez pas le solo
de guitare au milieu du morceau? Effacez-le, ou enregistrez le
vôtre! Vous voulez modifier la partie de batterie? En utilisant
des convertisseurs MIDI (11), vous pourrez le faire en temps réel, en faisant rejouer la batterie
par un batteur en chair et en os. Même le plus petit changement
dans le mixage peut engendrer un morceau qui sera nouveau pour
l'auditeur. Bien sûr, une bonne partie du public se contentera
d'écouter ce qu'on lui donne, mais je soutiens qu'un plus grand
nombre de gens (les audiophiles tout au moins, c'est-à-dire des
gens qui ne jouent d'aucun instrument mais sont très exigeants
sur le son) vont commencer à rechercher le «dosage en finesse
en remixant les morceaux pour les adapter à leur goût personnel,
un peu comme on ajuste la lumière, le contraste et la couleur
sur les appareils de télévision.
Nous sommes tout près de voir ce scénario devenir réalité : les
manipulateurs MP3 multipistes sont technologiquement et économiquement
réalisables. La technologie MIDI permet d'ores et déjà d'effectuer
ce genre de manipulation au niveau de la composition mais, malheureusement,
il n'existe pas de format qui associe élégamment le MIDI et le
son. Bien que je croie au cloisonnement et que je sois convaincu
que chaque protocole est approprié à ce pour quoi il est conçu,
il n'est pas inconcevable d'imaginer un logiciel ou un matériel
destiné à l'utilisateur final et susceptible de prendre n'importe
quelle combinaison de MIDI et de MP3 (ou n'importe quel format
de composition et de compression) tout en permettant une manipulation
piste par piste. En fait, même si le procédé n'est pas encore
tout à fait au point, de nombreux musiciens (dont je fais partie)
ont déjà collaboré avec d'autres sur Internet en échangeant des
fichiers multipistes, des bandes et des fichiers MIDI, voire en
travaillant de façon interactive, sans s'être jamais rencontrés.
Le modèle du Bazar va favoriser les efforts créatifs associant
des musiciens qui ont assez de loisir et de motivation pour entreprendre
une carrière musicale à plein temps et ceux qui ne souhaitent
pas consacrer leur vie exclusivement à la musique. La première
condition est généralement exigée pour travailler au sein de la
Cathédrale. Or certains musiciens veulent créer mais ne veulent
pas se lancer dans des tournées; d'autres ne veulent pas faire
de promotion à tout crin; d'autres encore préfèrent rester anonymes.
Tous ces musiciens auront une excellente occasion de se faire
entendre.
Une autre méthode qui permettra, je pense, une fertilisation croisée,
consiste à associer l'appréciation des musiciens (par exemple,
leur paiement) avec la créativité. Ainsi, sur l'une des FMA, lorsque
les artistes obtiennent un pourcentage des recettes publicitaires
issues du téléchargement des morceaux, ils peuvent avoir la possibilité
non seulement de recevoir de l'argent, mais aussi des copies d'enregistrements
musicaux effectués par d'autres groupes. Il se développe ainsi
une sorte de relation incestueuse entre les artistes. Étant donné
le grand nombre de musiciens qui existe déjà - et qui va aller
en augmentant si les modèles multipistes décrits ci-dessus entrent
en application -, il en résultera un système complexe autoreproducteur
dont la dynamique créative est inimaginable. Nous sommes tous
des musiciens et des auditeurs. Le potentiel de développement
de la créativité sera encore plus grand si l'on associe à la musique
d'autres éléments créatifs tels que les logiciels, l'art visuel
et l'art littéraire.
L'économie du Bazar
Comment les musiciens gagneront-ils de l'argent s'ils ne peuvent
plus contrôler la reproduction de leurs oeuvres de création? Vont-ils
mourir de faim? J'ai examiné en détail ces questions dans Philosophie de la musique libre (12), mon manuel d'éthique de la «propriété intellectuelle, et dans
d'autres textes concernant la musique libre. Pour le dire en peu
de mots : puisque, de toute façon, la très grande majorité des
musiciens ne vit pas de la musique, le modèle du Bazar ne va pas
rendre la situation pire qu'elle ne l'était, et elle pourrait
même l'améliorer (du fait de l'augmentation de la diffusion) par
rapport à ce qu'on peut obtenir dans une grande firme.
À mesure que le modèle du Bazar suivra sa trajectoire complexe,
les solutions économiques naîtront automatiquement de façon complémentaire.
Le commerce a horreur du vide.
Le Bazar est prospère et la Cathédrale se meurt
Imaginez un réseau complexe et adaptable, où un musicien enregistre
un morceau et le diffuse avec toutes les pistes du mixage. Un
auditeur ajoute de la réverbération et de l'écho sur certaines
pistes, qui sont à nouveau diffusées ; puis d'autres musiciens
échantillonnent ou utilisent des parties de la piste ainsi modifiée.
Si le musicien de départ reçoit en retour ces nouvelles modifications,
peut-être créera-t-il une nouvelle variation, qui sera ensuite
diffusée; et ainsi de suite. Imaginez la richesse de la musique
qui en résultera. Voilà l'avenir. Il est déjà en marche.
Remerciements et suggestion de lecture
Ce texte a été inspiré par des conversations avec de nombreux
musiciens, auditeurs et autres visionnaires. Je les remercie tous
pour leur apport.
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|| me@ram.org.